Voir Venise...

Un album est disponible en cliquant sur le diaporama en bas de page. (Collection personnelle)


S'il est une ville touristique, c'est bien Venise. Cela aurait pu tourner au Luna Park, avec tour du Grand Canal en vaporetto, ballade en gondole et café Florian. Certes, des milliers de photographies sont prises chaque jour, dont beaucoup de clichés qui se ressemblent. Dans les ruelles, les échoppes de souvenirs, de masques et les vendeurs de gelatti pullulent, mais il y a pour compenser les boutiques chics de confection et de chaussures italiennes, les ostreria et les trattorias sympathiques, les terrasses accueillantes où l'on se repose de longues promenades et l'on se rafraîchit. Les touristes chinois et japonais s'agglutinent Place Saint Marc en bon ordre derrière leurs guides brandissant un petit drapeau au bout d'une fine baguette. Dès que l'on s'éloigne vers les quartiers périphériques la densité s'abaisse rapidement. 
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Le Lion de Saint Marc

Dès la sortie de l'aéroport, le charme de Venise commence avec cette introduction aux déplacements aquatiques de plus d'une heure en longeant Burano, Murano et le Lido. L'arrivée à l'entrée du Grand Canal, sur le quai des esclavons, à la station San Zaccaria, se fit au moment du coucher de soleil. Notre hôtel était un ancien palais d'un doge, le Palazzo Priuli, à deux pas de la Piéta, de l'église dei Greci et de San Zaccaria, mais loin de l'agitation de la Place Saint Marc, au bord d'un petit canal très calme sur lequel donnait la fenêtre de notre chambre, munie de barreaux rappelant en plus minces ceux des geôles du Palais des Doges. Ce n'était pas le Danieli mais avec ses dix chambres notre Palazzo avait un caractère beaucoup plus intime. Le diner aux chandelles au bord du petit canal acheva de nous mettre dans l'ambiance.
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Vue du campanile de la basilique et de la tour de l'Horloge.

Le programme du lendemain, débuta par une montée au campanile de Saint Marc d'où l'on découvre à 360 degrés la plus belle vue de Venise. Etant allé pour la première fois à Venise soixante ans auparavant, les images sont familières mais c'est une découverte sans cesse renouvelée. Contrairement à toutes les autres villes du monde, la Sérénissime ne change pas. Beaucoup de façades ont perdu leur crépi, sans décrépitude, d'autres ont subi des ravalements discrets, échappant à l'horreur de l'annexe du Danieli. De grandes bâches masquent les façades en cours de restauration comme le Cipriani. La basilique Saint Marc est assez décevante avec ses mosaïques byzantines un peu défraîchies et sa visite se fait au pas de course en file indienne.

Beaucoup plus intéressante est la visite du Palais des Doges. Comme tous les lieux de pouvoir, il impressionne par la dimension des pièces, des escaliers, par la profusion d'or et de peintures. La cour centrale, toute blanche, éblouit sous le soleil tandis qu'au sommet d'un escalier monumental, deux Apollons dénudés accueillent les visiteurs. Par l'escalier d'or on accède aux étages dont la décoration malgré la profusion des ors, des tableaux, des fresques respire une certaine austérité en accord avec les visages burinés et sévères des doges sous leur comique petit chapeau à bosse, la Zaoia, ou corne ducale. La mythologie fournit heureusement quelques prétextes à afficher des anatomies féminines susceptibles d'alimenter les fantasmes, car pour être doge on en est pas moins homme. 
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Cour intérieure du Palais des Doges

La visite s'achève en passant vers la prison par le Pont des Soupirs. Vu la largeur des interstices du pont, il est peu vraisemblable que les condamnés aient eu la possibilité d'apprécier une dernière fois les beautés de la ville, car à voir l'inconfort des cellules, bien peu devaient survivre à l'expérience. Même nettoyées et vides de leurs prisonniers, le spectacle n'est pas très réjouissant et  on imagine sans peine la puanteur qui devait s'en exhaler dans l'humidité, le froid et l'obscurité des geôles. 
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Grand canal vu du Pont du Rialto.

Par les ruelles, enjambant de leurs petits ponts en escalier les canaux que sillonnent les gondoles, nous traversons le pont de l'Academia pour arriver au musée un peu décevant avec ses tableaux religieux, le plus souvent de grandes dimensions, dont la virtuosité technique ne suffit pas à enthousiasmer. Un coup d'œil de l'entrée de l'église Santa Maria del Rosario, dite des Gesuati, nous permettra de voir le plafond de Tiepolo, sans la visiter en détails, rebutés par la dîme perçue dans les églises du réseau Chorus. Le soir, après un diner au bord du Grand Canal, près du Pont du Rialto, nous avons assisté à un concert donné, en costumes d'époque, dans la Scuola Grande di San Téodoro. Le programme comportait l'inévitable Quatre Saisons d'Antonio Vivaldi, précédé de l'adagio d'Albinoni et entrelardé du canon de Pachelbel, entre l'été et l'automne. Beaucoup de Scuola et d'églises proposent le même programme, en alternance avec La Traviata. La Fenice, dont nous ne verrons que la façade, se distingue essentiellement par le prix des places assez dissuasif.

Le lendemain visite du quartier de Santa Croce et du marché aux poissons et aux légumes au pied du Pont du Rialto. Enfin une rencontre avec de vrais vénitiens même si les poissons sur les étals de la Pesceria sont les plus photographiés du monde. Ensuite promenade dans les ruelles et visites de très nombreuses églises correspondant aux paroisses qui donnent leur nom aux différents quartiers de la ville, San Giacomo du Rialto, San Cassiano, San Polo, qui sont autant de musées, annonçant fièrement leurs Tintoret, Tiepolo, Véronèse et autres merveilles. Il faudrait plus d'une fin de semaine pour les visiter toutes dans le détail, de même que les nombreuses expositions et fondations d'art moderne de François Pinault et Peggy Guggenheim. Faute de pouvoir acheter un titre de transport en l'absence de distributeur de billets, nous sommes revenus de Santa Stae à San Zaccaria en passagers clandestins du vaporetto. En rentrant, j'ai proposé de faire la promenade en gondole qui sans être réclamée était très attendue. Cela s'apparente à un tour de manège, en plus cher, mais c'est aussi le plus beau tour de manège que l'on puisse faire. Le soir après le diner à la terrasse d'un restaurant du Quai des Esclavons nous sommes allés écouter la musique des orchestres jouant aux terrasses des cafés de la Place Saint Marc, dont le mythique café Florian. Le snobisme a un prix qui est très élevé, car à la manière des restaurants qui, aux prix affichés sur le menu, ajoutent le couvert, le pain, les taxes et le service qui font presque doubler la note, les cafés ajoutent le prix de la musique. Cela fait partie des incontournables d'un voyage à Venise.

La matinée du jour du départ fut consacrée à faire la promenade en vaporetto de tout le Grand Canal, en partant de la Place San Marco jusqu'au Tronchetto, en passant par la Piazzale Roma, pour revenir au point de départ en longeant dans la gare maritime les gigantesques bateaux de croisières hauts d'une dizaine d'étages, puis en faisant du cabotage d'une rive à l'autre du canal de la Giudecca jusqu'à San Giorgio Maggiore et retour à San Zaccaria. A midi nous repartions par le vaporetto pour l'aéroport en s'arrêtant cette fois au Lido et en longeant au plus près Murano.

Venise est peuplée des fantômes de tous ceux qui y ont laissé la vie ou un peu de leur cœur : Byron, Sand et Musset, y écrivirent leurs plus belles pages, comme Thomas Mann ou Hemingway, et peignirent leurs plus beaux tableaux tels Canaletto et Guardi, mais aussi Monet et Turner, ou s'en inspirèrent comme Giorgio de Chirico. Cette ville a une âme autour de laquelle la mort semble roder masquée depuis des siècles.
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Carnaval de Venise
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