Petra, l'onirisme pétrifié

Un album est disponible en cliquant sur le diaporama en bas de page. (Collection personnelle)

" A moins que tu n'y viennes, tu ne sauras jamais à quoi ressemble Petra. Sache seulement que tant que tu ne l'auras pas vue, tu n'auras pas la plus petite idée de la beauté que peut revêtir un lieu."

T. E. LAWRENCE



L'image du Khazneh est omniprésente en Jordanie dont elle est l'emblème. Le risque est grand d'être déçu quand une telle image est ainsi popularisée. C'est là que la magie du lieu intervient car Petra ne se résume pas au Khazneh. Il y a tout d'abord l'accès au site, puis le lent cheminement tout au long du Siq, gorge étroite et tourmentée, où Petra joue de toute sa palette changeante de couleurs, du sable, à l'orangé, au rouge et au noir. 
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Le Siq
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Chamelier



A travers ses méandres sinueux, l'esprit se prépare à la découverte qui surgira brusquement d'une faille, comme de la déchirure d'un rideau, zébrure inondée de soleil de sa façade au sortir de la falaise rocheuse, haute et étroite, passage de l'ombre à la lumière. Des apparitions étonnantes jalonnent le parcours initiatique, telle cette statue-stèle de Dushara aux yeux rectangulaires, ces niches aux personnages mystérieux, ou ce chamelier tronqué précédant ses deux chameaux reconnaissables aux extrémités des pattes et aux flancs rebondis.

La mémoire du passage des caravanes chargées d'encens, d'épices et d'étoffes chatoyantes, se rappelle discrètement, tandis que la présence de l'eau dans ces rocs arides se manifeste par toutes les fantaisies de formes et de couleurs produites par l'érosion et par sa maîtrise dans le réseau de canalisations, de citernes, de barrages, témoignant de son besoin et de ses dangers. Dans ce monde minéral, la vie fait soudain irruption sous forme d'un figuier ou d'un poivrier accroché à flanc de rocher. Malgré un soleil intermittent, le temps de ces derniers jours de novembre était presque froid à cause du vent qui s'engouffrait dans ce gigantesque canyon, nous préservant de ces hordes de touristes qui hantent désormais ces lieux si longtemps oubliés. On regrette la présence de ces multiples étals de bimbeloteries, disséminés sur tout le site, en particulier l'horrible gargote implantée face au Khazneh, mais il faut bien que ces pauvres gens puissent vivre. Les ânes, les chevaux et les dromadaires sont largement mis à contribution pour transporter les touristes fatigués et offrir des images de cartes postales, sans parler des figurants déguisés en soldats romains d'un comique achevé.
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Le figuier du Siq
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Le Khazneh



Une fois faite abstraction de ces entorses au bon goût, le site lui-même garde toute sa magnificence où les nécropoles côtoient les palais, mélange au fond de cette vallée reculée des influences grecques, romaines mais également indiennes, apportées par les caravanes. Sachant que plus de 80% du site n'a pas encore fait l'objet de fouilles archéologiques, on demeure confondu devant son étendue et tant d'énigmes accumulées au cours des siècles, du néolithique, aux Edomites et aux Nabatéens, six siècles B.C. avant la conquête romaine, puis dix siècles d'abandon et de retour à l'oubli. 

Les intempéries ont abrasées la plupart des façades, les séismes ont effondré bien des édifices, mais cet ensemble gigantesque, où les efforts des hommes se sont unis à la nature, conserve son caractère grandiose, somptueux et sans équivalent au monde. Petra est loin d'avoir livré tous ses secrets, alliance unique de beauté sauvage de la nature et de merveilles architecturales. La succession des façades de cette nécropole inouïe ouvre sur l'amphithéâtre et face à lui, aux tombeaux royaux adossés à la falaise. La présence d'escaliers inversés au fronton des tombeaux témoigne d'interrogations sur lesquelles on n'oserait se prononcer de l'ascension au ciel ou de la descente aux enfers.
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Tombeaux royaux

Ce lent cheminement processionnaire nous conduisit jusqu'à l'allée des colonnes, au Qasr al-Bint, aux temples d'Apollon et du lion ailé, aux mosaïques de la petite chapelle byzantine, mais faute de temps nous n'irons pas plus loin, en particulier jusqu'au monastère d'Ad-Deir, gage laissé à un éventuel retour.  
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