La douleur dans l'art. L'art permet-il de mieux comprendre la souffrance ?


Ecrite, imagée, déformée, étendue à l'humaine nature ou cristallisée autour de symboles signifiants – madones sacrifiées, christ crucifiés ou figures mythologiques – la douleur se révèle un formidable catalyseur de la création artistique, littéraire, picturale, photographique ou chorégraphique, dénominateur commun d'un mal à dépasser par l'activité créatrice.

La littérature abonde de descriptions de souffrances, de douleurs, comme une séméiologie vivante et aiguisée, dont le petit livre de J.M.G. Le Clezio, Le jour où Beaumont fit la connaissance de sa douleur est un remarquable exemple.

Contraste fort entre le bonheur et la souffrance les peintures de Jérôme Bosch posent le même dilemme philosophique que santé et maladie : ne sont-elles pas deux manifestations d'une même réalité, la vie.

Les images nous mentent disait Bouddha. Derrière les peintures, même les photographies, l'illusion, le mensonge peuvent se cacher, au prétexte d'émouvoir. Il faut parfois se demander le rôle de la mise en scène.

La poésie c'est peindre avec des mots et Baudelaire est un grand peintre.

Peindre c'est s'exprimer sans les mots et Rogier Van der Weyden, Le Caravage, Frida Kahlo, mais aussi Picasso ont su exprimer la douleur mieux que des mots. La douleur ne se représente pas par des symboles mais par des expressions.

Mots et photos : l'enfant juif du ghetto de Varsovie, la petite Vietnamienne fuyant le bombardement au napalm et Dostoïevski : Si les larmes des enfants sont indispensables pour parfaire la somme de douleurs qui sert de rançon à la vérité, j'affirme catégoriquement que celle-ci ne mérite pas d'être payée d'un tel prix.

La peinture doit arracher la figure au figuratif. Peindre la douleur, c'est dépasser la description de l'horreur. C'est procéder à la capture ou la délectation d'une force invisible. Le peintre n'a pas à rendre visible la douleur mais il doit créer cette tension qui est supérieure à toute abstraction. Il doit échapper à une vision de la douleur qui nécessite la mise en évidence de sa cause, pour traduire cette sensation primordiale qui est celle du rejet physique.

La bouche est l'expression corporelle de la douleur. Une bouche qui crie est un gouffre d'ombre en rapport avec des forces invisibles. La bouche n'est plus un organe particulier mais le trou par lequel le corps tout entier s'échappe. G. Deleuze

La souffrance est un état qui caractérise un être fini, limité. Or, la mort c'est la finitude. Et c'est certainement parce que nous sommes finis que nous souffrons. Emmanuel Levinas


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